.
       

...........Deuxième ascension du Fuji


 
POUR UN AUTRE INSTANT D'ETERNITE.
(Récit & photos de ma deuxième ascension)
 
 

 

Considérant que les lecteurs de ce récit de l'ascension 2004 ont déjà lu "Un instant d'éternité" (Ascension 2002), je ne reprends pas les nombreux détails précédemment rapportés.

 

 

Le 17 août 2004, lors de mon huitième voyage au Japon, je reprend donc mon sac à dos et, toujours seul, le chemin du Fuji San pour tenter une ascension dans une meilleure condition physique que la première fois. Je pars cette fois en bonne santé avec un appétit normal et, fort de mes bonnes résolutions, j'achète une bouteille d'oxygène à Gogomé. Je commence la marche en m'imposant toute la lenteur prévue mais sans prendre de "diamox" comme je l'avais envisagé dans un premier temps.

 

En commençant l'ascension, je suis fou de joie, je suis en forme et, après m'être assuré de ma totale solitude, je crie à gorge déployée, cela peut paraître stupide mais... il n'y a pas de mal à se faire du bien. Le temps est beau mais de nombreux nuages se déplacent rapidement comme lors de ma première ascension et cela ne m'inquiète donc pas trop.

 

Au cours de la montée, mis en confiance par mes progrès dans la langue nippone, j'engage la conversation avec quelques japonais et même un américain. Tous s'étonnent du fait que j'ai déjà gravi une fois le volcan et me pressent de questions sur la suite de l'ascension. Un jeune homme de San Francisco n'arrive pas à croire qu'à deux reprises, j'ai boycotté le fameux bâton du Fuji. Ce bâton de bois tendre et blanc, pratiquement tous les prétendants au sommet l'achètent à Gogomé, ils se font ensuite pyrograver les idéogrammes correspondants à chaque étape de l'ascension par les gardiens des refuges qui tiennent toujours prêt un fer rougit dans la braise. Parmi tous les candidats, rares sont ceux qui arrivent au dernier refuge au bord du cratère et obtiennent la totalité du palmarès mais ils peuvent exhiber leur bâton qui attestera de l'altitude atteinte lors de leur tentative. (Business de l'extrême : Dans ce dernier refuge, on peut maintenant si on a beaucoup d'argent, téléphoner, manger des nouilles et même déposer du courrier qui sera tamponné « Sommet du Fuji »).

 

Après quelques heures d'efforts mesurés, un superbe nuage lenticulaire se forme au dessus du Fuji mais légèrement au sud du sommet. Cela m'inquiète pour la météo du lendemain car les nuages lenticulaires sont de mauvais présages, d'autre part un typhon sévit à moins de 200 km d'ici et ces dépressions sont souvent à l'origine de brutales et très locales tempêtes dans leur périphérie.

 

Après avoir dépassé les trois mille mètres, mon souffle devient de plus en plus court, une bonne tachycardie me contraint à m'arrêter pour m'hyper oxygéner. Un mal de tête commence à faire son apparition, je suis déçu, tout recommence. Un Japonais est affalé sur un rocher à deux mètres de moi et respire bruyamment, je lui demande "Atama itai desu ka ?" (Tu as mal à la tête) ?" Il me répond "Hi" (Oui) avec une mimique évoquant une forte souffrance. Je croyais y couper et je me rends compte que je ne suis définitivement pas fait pour dépasser les 3000 mètres de dénivelée dans la journée. (Photo : Au loin, à l'orée des forêts vierges, la ville de Kawaguchiko à l'air assoupie auprès de son lac.)

 

Jean Pierre Herry, médecin de la fédération française de la montagne et de l´escalade explique : « N´importe qui, sportif ou non, peut souffrir du mal des montagnes (MAM). 15 % des grimpeurs en soufrent à 2 000 mètres d'altitude, plus de 60 % à 4 000 m. Tous les sujets rapidement montés en haute altitude en souffrent. Le MAM n'apparaît qu'après un délai de quelques heures en altitude. Ainsi les personnes empruntant un téléphérique le temps d'admirer le point de vue, ne sont pas touchées. Prévenir le MAM ou ses complications, impose une acclimatation à la haute altitude prudente. »

Pour respecter les paliers préconisés, il me faudrait stopper un jour à 1700 m puis monter à 2400 m le lendemain, 3100 m le surlendemain, je pourrais tenter le sommet le quatrième jour ! Sans commentaire !

Je suis parti avec une incertitude sur la météo, le typhon qui sévit à quelques 200 Kms au sud ouest du Fuji peut se déplacer soudainement mais je suis là depuis trois semaines, mon séjour tire sur sa fin et j'ai pris la décision de tenter ma chance.

J'arrive donc à mon refuge à 3 550 mètres et je retrouve mes hôtes de 2002. Le nuage lenticulaire m'inquiète et je demande au gardien ce qu'il en pense, il me confirme que c'est un mauvais présage pour la météo du lendemain.

Je ne me sens pas très bien mais j'arrive à avaler un peu de riz au curry, je donne mes gingembres confits a des jeunes Japonais qui sont assis à la table à coté (Remarquez sur la photo le sac de chips qui est au bord de l'explosion à cause de l'altitude). L'un d'eux parle anglais et nous engageons la conversation, il est là pour mettre au point un système de récupération des eaux usagées qui devrait permettre de rendre potable même l'eau sortant des toilettes…( Je suis ravi que ce ne soit qu'au stade de projet pour l'instant)

Je me couche tard, je dors peu et vers minuit, soudainement la pluie commence à tomber violemment et un vent extrêmement puissant secoue notre abri de façon plutôt inquiétante. Les heures passent et ni le vent ni la pluie ne cessent ne serait-ce qu'une minute. Des grimpeurs surpris dans l'ascension entrent s'abriter, ils ont l'impression de sortir d'une machine à laver, ils sont trempés de la tête aux pieds et ils décrivent en mimant les rafales qui les forcent parfois à se coucher par terre. Nous avons tous le moral à zéro ! Pour tout le monde, l'ascension est terminée…

J'espère toujours une amélioration et j'attends, heure après heure… Vers 9 heures, je me rends à l'évidence, il faut redescendre dans la tempête, alors je m'équipe consciencieusement et je salue l'équipe du refuge qui me lance des « good luck » sympathiques.

C'est pire que ce que je croyais, les rafales dépassent certainement les 130 Kms/heure et j'ai l'impression que l'on me jette des seaux d'eau. Je n'ai jamais vu tomber autant d'eau, heureusement que mon imperméable est de très bonne qualité. Mon pantalon, quand à lui, est complètement imbibé et jusqu'au genoux il est complètement rouge de poussière volcanique mouillée. En plus, la visibilité est pratiquement nulle, je me contente de suivre le sentier en craignant de rater un croisement et de partir sur le mauvais coté du volcan.

Dans ces conditions, la descente est rude… A un moment, j'arrive à un croisement avec un panneau en bois portant des idéogrammes japonais. La visibilité est nulle, je ne sais pas quelle direction prendre alors je me plante devant, accroupi et j'attend dans la tempête que quelqu'un puisse me lire ce panneau. J'ai de la chance, un homme arrive après quelques minutes.

Je suis presque sûr qu'il faut prendre à gauche, il me dit le contraire, je lui fais confiance et je pars dans la pente de droite derrière lui. Après quelques centaines de mètres, je l'arrête et je lui réitère ma vision des choses en lui disant « Gogomé » et en lui montrant du doigt la direction qui me parait être la bonne. Sa voix puissante est presque couverte par le vacarme assourdissant de la pluie et du vent, je l'entend mal et, en plus, je ne comprend rien mais après quelques secondes de réflexion, il change tout à coup d'idée, me dis que j'ai raison et fait demi tour. De retour près du panneau, il me remercie… ??? Nous sommes passés près de la grosse boulette, je suis fatigué et énervé, je cours plus que je ne marche dans la descente et l'homme ne peut pas me suivre, il disparaît derrière moi dans la brume…

J'arrive à Gogomé sous une tempête comme je n'en ai jamais connu, je rentre dans une échoppe et me cale dans un coin pour me sécher avec des mouchoirs, heureusement mon pantalon possède des jambières amovibles, elles sont couvertes de boue rouge, je les enlève, je quitte mes chaussures de montagnes pleines d'eau et enfile mes basquets sèches pour retrouver une apparence plus correcte.

La pluie se calme un peu. Sous les rafales de vent qui me font perdre l'équilibre, je me dirige vers le temple Shintoïste dédié au Mont Fuji qui se trouve juste derrière la grande place et j'arrive par hasard au début d'une cérémonie religieuse qui a tout d'un spectacle :

 

Un grand prêtre en habit de cérémonie exécute une danse magnifique en simulant un tir à l'arc. Il est accompagné par des musiciens qui jouent de la flûte et du taïko (tambour japonais)

 

C'est vraiment beau et cela me fait un peu oublier mon état et ma déception de ne pas être au sommet de ce volcan sacré qu'ils sont en train d'honorer.

Heureusement, j'en étais revenu victorieux deux ans auparavant, cela réduit grandement mon amertume, il faut savoir accepter les caprices de la nature quand on veut jouir de sa beauté et des émotions qu'elle peut nous procurer…

A l'arrivée chez ma belle mère, elle me dit qu'un avis d'interdiction d'accès au Fuji vient d'être diffusé à la télévision sur les chaînes nationales. Ils parlent d'une tempête sans précédent. Elle a 80 ans et elle m'assure que c'est la première fois qu'une telle information est diffusée…

 

...........Troisième ascension du Fuji
   
 
 
 
Lever du soleil - Sommet du Fuji San - 12 août 2008 - 4 h 40 - 0°c -
 
 
 
 
Durant l'ascension - 11 août 2008
 

 

 

© Copyright Franck Favre : Tous les textes, commentaires, ouvrages, illustrations, images reproduits sur le site "Franky's" sont protégés par le droit d'auteur. A ce titre et conformément aux dispositions du Code de la Propriété intellectuelle, seule l'utilisation pour un usage privé, réduite au cercle de famille, et la reproduction (impression, téléchargement) pour un usage strictement personnel sont autorisés. A défaut d'une autorisation écrite du webmaster, toute autre utilisation est constitutive de contrefaçon et sanctionnée par le Code de la Propriété intellectuelle.

Retour Page d'accueil

Une création FIV Franky Internet Volunteering